Le lithium est essentiel pour les batteries des véhicules électriques et le stockage des énergies renouvelables, ce qui en fait un métal clé dans la transition énergétique. La demande croissante pour ce métal constitue une importante opportunité de revenus pour les pays en développement producteurs de lithium. Cependant, la collecte des revenus sur la production de lithium est difficile car le produit est vendu sous de nombreuses formes, ce qui nécessite des ajustements de prix. De plus, le secteur est caractérisé par des transactions privées, ce qui rend difficile l’accès à des prix comparables. Les problèmes de prix augmentent les risques de revenus liés aux prix de transfert, dans lesquels des parties liées pourraient manipuler artificiellement les prix des transactions pour éviter de payer des impôts et des redevances dans le pays qui héberge la mine. Alors, comment les pays producteurs peuvent-ils correctement évaluer les prix du lithium pour soutenir une collecte équitable des revenus dans le secteur ?
La gestion des prix des minéraux et des métaux pose des défis importants aux autorités fiscales et aux sociétés minières, avec des litiges fréquents et coûteux. Le lithium présente des complexités uniques pour plusieurs raisons. Premièrement, il est commercialisé sous de multiples formes, comme le carbonate de lithium, l'hydroxyde de lithium, les concentrés de spodumène, etc., chacune avec sa propre structure de prix et ses propres prix de référence. Deuxièmement, de nombreuses transactions sur le lithium sont menées en privé entre acheteurs et vendeurs ; dans certains cas, les deux parties sont affiliées. Cette opacité rend difficile l’établissement d’un prix de marché uniforme. Cela entrave également la capacité de déterminer un « prix de pleine concurrence », un prix sur lequel des parties non liées s'entendraient sur le marché, et qui est nécessaire pour une imposition précise et la perception des recettes.
Utiliser les indices de prix comme références
Le marché du lithium n’est pas encore aussi liquide et transparent que celui de nombreux métaux négociés sur les principales bourses de matières premières. Pour l’instant, les gouvernements peuvent utiliser les évaluations publiées par les agences de suivi des prix pour accéder aux prix du marché. Ces prix sont publiés par des entités neutres et indépendantes qui regroupent les données de divers acteurs du marché, comme les producteurs, les vendeurs et les consommateurs. Ces agences offrent un aperçu du prix de produits comme le carbonate de lithium, l'hydroxyde et, de plus en plus, de produits intermédiaires, comme les concentrés de spodumène. Ils couvrent également une gamme de minéraux et de métaux au-delà du lithium, notamment le cobalt et la bauxite. Même si ces évaluations de prix sont essentielles pour comparer et valider les prix pratiqués – ce qui est au cœur des règles en matière de prix de transfert pour garantir une tarification juste dans les transactions entre parties liées – elles ne remplacent pas la nécessité d'une tarification conforme aux principes du marché de pleine concurrence.
Les gouvernements peuvent s'appuyer sur des évaluations indépendantes des prix du lithium pour vérifier les prix pratiqués, mais celles-ci ne remplacent pas la nécessité d'une tarification conforme aux principes de pleine concurrence.
Il convient de noter que les évaluations de prix reflètent encore un marché en développement. Les prix au comptant, qui sont basés sur un nombre très limité de transactions, deviennent plus fiables à mesure que les volumes d’échanges augmentent et que davantage de données sont disponibles, notamment dans les principaux marchés d'acheteurs tels que la Chine, le Japon et la Corée. En pratique, les prix contractuels peuvent différer de ces indices, en particulier en raison des conditions spécifiques des contrats et des conditions particulières du marché.
S'adapter au développement du marché
Les évaluations des agences de suivi des prix constituent donc un point de départ utile à des fins de détermination des prix et doivent être complétées par des données de marché à jour et une compréhension nuancée des spécificités des transactions. Lorsqu'ils les utilisent, les gouvernements devraient considérer le principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert , qui mettent l’accent sur l’ajustement des prix en fonction de la qualité du produit et des conditions actuelles et spécifiques du marché. Les pratiques commerciales sont variées dans le secteur du lithium, et comprendre ces nuances est essentiel pour établir des évaluations fiscales justes, qui reflètent réellement le marché. Les décideurs politiques peuvent utiliser les données des agences ; mais ils doivent suivre l'évolution du marché et ajuster leurs évaluations de prix en conséquence, en intégrant les dernières données disponibles et les conditions commerciales.
À mesure que le marché du lithium évolue, les méthodologies de ces agences évolueront également, avec de nouveaux indices et des évaluations améliorées qui devraient améliorer la transparence et la précision du marché, ce qui profitera à la fois aux gouvernements, aux entreprises et aux consommateurs.
Il est essentiel pour les gouvernements de maîtriser les complexités de la tarification des minéraux afin de garantir que le lithium contribue aux revenus gouvernementaux et soutient la croissance économique des pays producteurs. De nombreux pays ont commencé à s’appuyer sur des prix de référence pour optimiser les recettes fiscales et les redevances provenant des minéraux dans des chaînes de valeur opaques, comme le montrent les exemples de la Colombie, du Sénégal et de la Guinée. Les agences indépendantes jouent un rôle clé pour aider les gouvernements à obtenir une tarification précise et juste dans le calcul des impôts et des redevances. Les gouvernements des pays producteurs de lithium ont la possibilité d’adopter dès le départ des approches solides en matière de prix de transfert. Des organisations comme le IGF et l'OCDE fournissent un soutien pour affiner les politiques fiscales et garantir une collecte équitable et transparente des recettes provenant de cette ressource vitale.
Thomas Lassourd dirige les travaux de l'IGF sur la fiscalité et les industries extractives. Jaqueline Taquiri est conseillère politique spécialisée en fiscalité et industries extractives auprès de l'IGF. Andrew Viola est conseiller principal, prix de transfert et responsable des industries extractives à l'OCDE.